October 2022 - M&V Focus - Issue #10

In this issue of M&V Focus, John Avina asks if every meter's regression must have a CV(RMSE) below a certain level for the regression to be considered statistically significant. John argues that in the context of a portfolio of meters, perhaps the overall portfolio CV(RMSE) should be considered, rather than each meter's CV(RMSE).

Dolf van Hatterm presents an exciting methodology for energy accounting. The premise of this paper is that robust energy reporting is essential because it is generally recognized that durable improvements in energy efficiency require permanent energy performance monitoring. The method presented in his article is derived from the standard practices used for financial reporting and allows the presentation of results concisely, similar to financial statements.

Paul Calberg was involved in a major project in France from 2018 to 2021 that had as the main objective to look at the state of the science regarding the energy performance of buildings, highlight the best practices, and suggest tools for practitioners. Paul chairs the IPMVP sub-committee on Option D. Based on the group's recent feedback and extended discussions with colleagues in the industry, he outlines some original thoughts on M&V concepts. Based on the IPMVP fundamentals, these concepts could lead to a broader use or application of the Protocol.

flag france By Paul Calberg-Ellen *

1. Introduction

Le projet de R&D « MPEB » s’est déroulé de 2018 à 2021. Il a regroupé, en France, de nombreux acteurs de la performance énergétique des bâtiments. S’y mélangeaient des bureaux d’études, des ESCO, des laboratoires de recherche, notamment. L’objet de ce projet ? Faire un point sur les connaissances existantes en matière de mesure de la performance énergétique des bâtiments, mettre en lumière les bonnes pratiques, et proposer des outils aux utilisateurs de la mesure de performance énergétique. En marge de ces objectifs, une des retombées importantes de ce projet est le recul qu’il aura permis de prendre sur certains concepts, et notamment en termes de Mesure et Vérification.

Plus d’un an après la fin officielle du projet, et après quelques temps supplémentaires d’échanges et de réflexions au sein de groupes de travail d’EVO, ainsi que de mises en pratique sur des missions M&V, cet article propose au lecteur une certain regard sur les concepts de M&V, qui, tout en s’appuyant sur les fondamentaux de l’IPMVP, nous semble l’enrichir, notamment en ouvrant encore plus largement qu’actuellement son cadre d’utilisation.

2. De la détermination des économies mesurées, à la détermination de la performance énergétique mesurée

2.1 Définition de la performance énergétique

Pour déterminer la performance énergétique d’une voiture ou d’un équipement de génie climatique, il apparaitra certainement naturel au lecteur de dire qu’il est nécessaire de préciser le jeu de conditions utilisées pour réaliser le test de performance.

On comprend bien en effet que juger de la performance de deux voitures en comparant la consommation de l’une sur une autoroute à la consommation d’une autre sur un trajet en ville n’a que peu d’intérêt. On en est d’ailleurs ainsi venu à normaliser des procédures de test pour ce type d’équipement, qui correspondent à l’utilisation, en laboratoire, de jeux de conditions « données », standardisées, qui permettent d’obtenir des résultats comparables entre deux équipements, ou sur le même équipement évalué à différents moments de sa vie, par exemple.

Dans le domaine du bâtiment, il est délicat de faire passer en laboratoire tout un bâtiment, et c’est d’autant plus irréaliste qu’il n’existe pas, ou marginalement, de production en série, comme c’est le cas pour les exemples ci-dessus. Il s’agirait de tester chaque bâtiment un par un en laboratoire pour évaluer sa performance dans un jeu de conditions contrôlées : impensable.

Pour autant la définition de la performance énergétique doit être la même que pour les voitures ou les équipements climatiques. La performance énergétique est une consommation d’énergie dans des conditions « données ». C’est la définition que nous avons retenue dans le cadre du projet MPEB.

Notons que cette définition est tout-à-fait cohérente avec la pratique reine de l’évaluation de la performance énergétique dans le bâtiment en France, dans le cadre de la réglementation : une évaluation basée sur un moteur de calcul, qui pose des hypothèses en termes d’usage du bâtiment et de conditions d’environnement (météo en particulier).

Mais ce qui nous intéresse ici n’est justement pas la performance énergétique évaluée « a priori », mais la performance énergétique évaluée à partir de mesures.

2.2 Evaluation de la performance énergétique mesurée

S’il n’est pas possible d’évaluer la performance énergétique d’un bâtiment en le testant en laboratoire, comment peut-on évaluer cette performance énergétique ?

La pratique au cœur de la M&V, l’ajustement, nous donne la clé : il suffit d’opérer une opération d’ajustement. A défaut de pouvoir se placer dans des conditions contrôlées, comme en laboratoire, l’ajustement permet, via l’utilisation d’un modèle mathématique (un ensemble de calculs plus ou moins complexes), d’estimer, à partir d’une consommation mesurée dans des conditions quelconques, la performance énergétique d’un bâtiment dans des conditions « données ». Il faudra cependant vérifier certaines conditions de validité du modèle, et, disons-le tout de suite, l’évaluation de la performance énergétique mesurée ne sera ainsi pas possible pour un certain nombre de cas.

PC Fig 1

 Partant d’une consommation d’énergie mesurée sur un bâtiment…

PC Fig 2

…la construction d’un modèle de cette consommation…

 PC Fig 3

…. peut permettre d’estimer quelle aurait été la consommation dans des conditions « données » différentes, ici les conditions de la période POST. On appellera cette consommation évaluée dans des conditions « données » une performance. Dit autrement, avec le vocabulaire habituel de l’IPMVP, une performance énergétique mesurée est une consommation d’énergie ajustée.

Source schémas : projet MPEB

 

Les habitués de la M&V reconnaîtront dans les schémas précédents les premières étapes du processus classique d’évaluation des économies d’énergie mesurées, passant par la détermination d’une consommation ajustée. En effet si l’on compare la consommation d’énergie ajustée à la consommation réellement mesurée, on obtient une évaluation de l’économie d’énergie réalisée, indépendamment des conditions données que l’on aura considéré pour le projet.

Afin de bien évaluer l’intérêt de ce léger pas de côté, qui nous fait passer d’une approche M&V classique se focalisant sur le concept d’économie d’énergie à une approche généralisant l’intérêt de l’ajustement à l’évaluation de la performance énergétique, continuons à développer quelques concepts….

3. Généralisation des méthodes d’ajustement

Nous proposons de définir les méthodes d’ajustement sur la base de 4 critères :

  • Le type de modèle utilisé
  • Le jeu de données ayant permis la construction du modèle d’ajustement
  • Le jeu de conditions données utilisé
  • Le type d’expression de la performance

Détaillons maintenant ces 4 critères….

3.1 Type de modèle utilisé

Plusieurs grandes familles de modèle peuvent être utilisés pour réaliser des ajustements. Il est intéressant de distinguer les familles qui impliqueront des processus spécifiques, notamment en termes de validation.
Nous proposons ainsi de distinguer :

  • Les modèles d’ajustement statistique
  • Les modèles d’ajustement physique (simulation thermique/énergétique)
  • Les modèles d’ajustement hybride
  • Les modèles d’ajustement par décomposition simple de la consommation
3.2 Jeu de données ayant permis la construction du modèle d’ajustement

Le modèle d’ajustement doit nécessairement être construit sur des données de consommation mesurée, si l’on veut s’inscrire dans le domaine de la performance énergétique mesurée. Pour utiliser une approche systématique de la qualification de la période sur laquelle on construit le modèle, tout en étant cohérent avec les approches utilisées habituellement dans le cadre de l’IPMVP, nous proposons d’adopter les dénominations ANTE (qu’on préférera à « de référence ») et POST (qu’on préférera à « de suivi »). Ces dénominations sont tout à fait adaptées à des cas de rénovations / d’actions d’amélioration de la performance énergétique. Dans le cas de bâtiments neufs, ou dans le cadre d’un suivi de performance au long terme, les termes devront faire l’objet d’adaptation au cas par cas, mais les concepts restent valables.

Un modèle d’ajustement peut être construit à partir de données réelles, mesurées, qui sont donc issues soit de la période ANTE, soit de la période POST

3.3 Jeu de conditions données utilisé

Le modèle d’ajustement est utilisé pour estimer quelle aurait été la consommation d’énergie dans des conditions différentes des conditions rencontrées pour la mesure. Ces conditions peuvent être soit :

  • Les conditions de la période ANTE
  • Les conditions de la période POST
  • Des conditions normalisées : le terme de conditions normalisées désigne ici des conditions dont les valeurs ont été définies conventionnellement. Remarquons ici que les conditions ANTE et POST ne sont que des jeux particuliers de conditions normalisées….
3.4 Le type d’expression de la performance

La performance peut être exprimée :

  • Sous forme différentielle, c’est-à-dire par comparaison à une valeur de référence : c’est le cas lorsqu’on raisonne en économie d’énergie. On compare deux consommations d’énergie, l’une servant d’étalon auquel on compare l’autre, et ce afin d’établir la variation, le différentiel. Il est courant par ailleurs d’exprimer ce différentiel comme un ratio de la valeur étalon (typiquement lorsque l’on exprime une économie sous forme de pourcentage) ;
  • Sous forme de performance absolue. Il s’agit alors simplement d’une valeur de consommation, exprimée dans des conditions « données » (a priori différente des conditions réellement rencontrées).
3.5 De très nombreuses méthodes d’ajustement, autant de solutions aux différentes configurations rencontrées sur le terrain

Le croisement des différents critères d’ajustement permet de donner naissance à de nombreuses possibilités de détermination de la performance énergétique mesurée.

Ces méthodes de détermination de la performance énergétique mesurées partagent toutes ce point commun :

  1. Elles s’appuient sur la notion d’ajustement, dont l’objectif est d’estimer quelle aurait été la consommation mesurée dans des conditions différentes de celles rencontrées pour la mesure (l’ajustement joue le rôle d’une sorte de laboratoire virtuel, recréant par le calcul des conditions contrôlées)
  2. L’ajustement est réalisé grâce à une modélisation construite sur des données de mesure.

 PC Image1

 

Nous verrons dans un prochain article comment cette approche, à la fois, correspond bien en bonne partie aux approches usuelles proposées par l’IPMVP, mais comment aussi elle permet de proposer des solutions à certaines configurations pour lesquelles il était délicat voire impossible de trouver une option IPMVP correspondant au cas rencontré.


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(*) Paul Calberg est Directeur adjoint, Responsable du pôle connaissance et maîtrise de l'énergie chez Biomasse Normandie.

Biomasse